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Qui sommes nous ?

AL AKHAREEN – QUI SONT ILS ?

 

Al Akhareen. «  Les autres » en arabe. Mais qui sont-ils ?

Des hommes et des femmes bien réels ? Une peur ancestrale ? Une construction médiatique ? Une projection fantasmagorique ? Du voisin à l’étranger, du nouveau au migrant, l’autre est vaste mais il est différent.

 

Et nous autres, qui sommes-nous ?

Osloob est né dans un camp de réfugiés au Liban, je suis fille d’immigrés syriens en France, lui Palestinien là-bas, moi Arabe ici. Nous avons dû faire face au rejet de sociétés qui, de différentes manières, refusent notre présence et notre existence en leur sein.

Ce que nous incarnons est lié à une histoire violente, à des guerres auxquelles nous n’avons pas participé mais dont nous subissons les conséquences. Pendant les années de guerre civile au Liban, les Palestiniens ont dû faire face à l’assaut des différentes milices libanaises.

En France, la vision dominante de l’identité arabe est déterminée par un inconscient collectif dévastateur (parce que silencieux), marqué par l’histoire de la colonisation et de la décolonisation et en particulier par la guerre d’Algérie. Être Arabe en France c’est devoir porter cette identité, d’une manière ou d’une autre. Chacun de nous, malgré nous, incarnons l’autre, l’étranger, l’ennemi.

 

L’autre qui est-il ? Qui sommes-nous ? Et qu’avons-nous à dire ?

Dans ses textes, Osloob raconte sa vie, ou la vie d’autres qu’il a côtoyés, les guerres qui font les Unes des journaux mais qu’il a vues et entendues de près. Osloob a écrit ses textes dans un mouvement d’échange : nous avons discuté les idées, les positionnements, les histoires et les sujets ensemble. Parce que je suis d’origine syrienne, parce que je connais les aspirations méprisées de nos peuples, parce que j’ai vécu longtemps en Égypte et au Liban, mais aussi parce que je sais ce que peut signifier être étranger en France, mon pays.

Nous ne représentons que nous-mêmes. Pourtant, nos parcours, nos expériences, nos points de vue, nous les partageons avec de nombreux autres. Fuir pour aller ailleurs à la recherche d’un avenir meilleur, ou rester et lutter quand la vie est encore possible ? Nous autres sommes tous différents. Mais tous, nous rêvons, espérons, ressentons, exigeons. La dignité, la liberté, la vie parfois, tout simplement…

A aucun moment, il ne s’agit de nier l’altérité ou la différence. Mais ces frontières qui nous séparent ne sont pas hermétiques. Et nous les avons franchies. Pas seulement pour aller regarder de l’autre côté, mais aussi pour voir notre côté avec les yeux de l’autre. Dans les textes et par le son.

 

Un autre parti pris, une autre expérience musicale ?

La musique que nous jouons est un trait d’union entre deux mondes : les musiques instrumentale et électronique font corps et ne peuvent être séparées l’une de l’autre, ni appréhendées l’une sans l’autre.

En général des groupes de jazz invitent des rappeurs à freestyler sur une musique qui a été écrite indépendamment de leur présence. Plus rarement, des groupes de rap peuvent inviter un instrumentiste à freestyler sur des instrus bien carrées.

Osloob et moi avons travaillé d’une manière différente. Les instrus que nous avons produites ensemble ont précédé l’écriture des thèmes : une fois l’instru électronique composée, Osloob écrivait un texte et moi un thème, comme si le thème était un texte à part entière. Le rap d’Osloob est conçu comme un chant mélodique et rythmique et ma flute comme le flow d’un deuxième rappeur.

AL AKHAREEN est le fruit de plusieurs années de travail et de réflexion communes. Quelle est la place du hip-hop et du jazz dans le monde aujourd’hui ? Au delà de styles musicaux que l’on a cloisonnés, n’est-ce pas aussi le cloisonnement des sociétés qui apparaît là avec un hip-hop populaire et un jazz élitiste ? Ce sont ces frontières que nous voulons détruire avec une musique neuve, émancipée de ses déterminismes.

 

L'expérience musicale s’est construite comme une danse de points de vues. Tantôt ici, tantôt là.

L’autre par sa diversité échappe aux cases, aux classements. Regardons-nous dans les yeux. Il est temps de faire fondre la peur dans les flammes de l’ignorance.

L’autre existe et il faudra apprendre à faire avec.

 

 

AL AKHAREEN – L’HISTOIRE DU GROUPE

 

Les origines

J’ai rencontré Osloob en 2008 à Beyrouth, plus précisément dans la banlieue sud de Beyrouth à l’orée du camp de réfugiés palestinien de Borj al barajneh. Un producteur libanais m’avait proposé de jouer avec son groupe de rap (le légendaire KATIBEH 5) pour la sortie de leur album.

Par la suite je suis retournée à Beyrouth de nombreuses fois, parfois plusieurs mois de suite, et nous avons continué à travailler ensemble. Osloob produisait des instrus de hip-hop, non seulement pour son groupe mais pour une armée de rappeurs dans tout le monde arabe du Liban au Maroc, en passant par la Palestine, la Syrie, la Jordanie, la Tunisie. Je ne composais pas avec lui les instrus (sauf à de très rares occasions) mais je lui fournissais la matière première en termes de flutes. J’enregistrais des impros sur ses instrus et il découpait les phrases qui lui plaisaient.

 

La naissance d'AL AKHAREEN

En 2014 Osloob s’est installé en France et l’idée de travailler ensemble d’une manière nouvelle a germé. Nous avons commencé par jouer en duo : lui aux machines et à la voix/beatbox, et moi aux flutes. Notre 1er concert a eu lieu à l’Attiéké à Saint Denis, un squatt aujourd’hui démantelé.

Au bout d’un an et quelques concerts, nous avons décidé qu’Osloob devait pouvoir se concentrer sur la voix et le beatbox et c’est ainsi que notre duo s’est transformé en trio avec aux platines Dj Junkaz Lou.

En 2016, nous avons eu envie d’aller plus loin dans le côté instrumental et jazz de notre formation. Nous avons donc réuni Mehdi Chaib mon camarade de toujours aux saxs et aux percus, Sébastien Le Bon rencontré dans Tarace Boulba à la batterie, Viryane Say à la basse, que je connaissais depuis longtemps des milieux hip hop instrumental et funk, et toujours Junkaz Lou aux platines.